J'avais déjà évoqué dans mon article "Pourquoi sans céréales?" (disponible en cliquant ici) les différentes sources d'énergies et lesquelles servent à quoi. J'avais évidemment notamment parlé de l'amidon et de son effet dans le corps du cheval. Je vais donc complémenter cet article par cette comparaison entre les différents régimes alimentaires que l'on peut choisir pour son cheval: amidon (à base de céréales) ou fibre/lipides (à base d'aliments fibreux).
Un point rapide sur les nutriments et ce qu'ils apportent
Les nutriments sont la proportion de matière organique d'un aliment. Ils sont divisés en 4 grands groupes: les glucides, lipides, protéines et vitamines. Chacun de ces nutriments sont composés de certains éléments chimiques qui vont définir comment ils pourront être utilisés par le corps. Les lipides sont pratiquement exclusivement composés de carbone et hydrogène, alors que les glucides contiennent de l'oxygène (en plus grande quantité comparé aux lipides) et les protéines de l'azote.
Ces trois classes de nutriments peuvent être classés par rapport à leur densité en carbone et hydrogène: 1. les lipides, 2. les glucides et 3. les protéines, par ordre décroissant (les lipides sont donc ceux qui contiennent le plus de carbone et hydrogène).
Valeurs énergétique
Pour rester simple, on obtient de l'énergie à partir du carbone et de l'hydrogène contenu dans ces nutriments. On peut donc voir que les protéines, lipides et glucides sont tout trois des sources d'énergie.
Les chevaux étant des herbivores, leur régime alimentaire est pauvre en protéines (comparé aux prédateurs qui s'en nourrisse pratiquement exclusivement). Le métabolisme du cheval n'est donc pas fait pour utiliser l'énergie provenant des protéines (en clair, il n'est pas très doué pour séparer les carbones et hydrogènes de l'azote et pour les reconvertir en énergie). On oublie donc la protéine.
Les deux qui nous reste sont donc les glucides et les lipides.
Les glucides
Pour faire simples, nous n'allons parler que des grandes catégories, sachant qu'il y a énormément de types de glucides. Nous allons donc évoquer simplement les sucres (les glucides simples) et les glucides complexes que nous allons diviser en deux grands groupe: l'amidon et les fibres.
Les sucres simples sont les bases des glucides: ces petits éléments qui, attachés l'un à l'autre, composent les sucres complexes. Les sucres les plus simples, les "monosaccharides" sont majoritairement le glucose, le fructose et le galactose. D'autres sucres simples, composés de deux monosaccharides, sont appelés les disaccharides, comme par example le sucrose ou le lactose. Les chaines plus longues sont ensuite appelés sucres complexes.
L'amidon est un sucre complexe qui peut être digéré par des enzymes produites par l'organisme du cheval en les réduisants à des sucres simples. L'amidon (ou le sucre) peut aussi être fermenté dans le gros intestin, menant ainsi à la formation des acides propanoïque et lactique. L'acide propanoïque sera transformé en glucose au niveau du foie.
Les fibres, aussi un glucide complex, sont formés d'un glucose qualifié de "beta", qui ne possède pas tout à fait les même propriétés chimiques que le glucose "alpha" (celui qui compose l'amidon). Ce changement chimique fait que les enzymes produites par le cheval ne peuvent pas digérer les fibres, c'est alors la flore intestinale qui doit s'en occuper par le processus de fermentation dans les gros intestins. Ceci mènera à la formation des acides acétiques et butyriques (des AGV, acides gras volatiles) qui seront transformés pour la production d'énergie ou stocké dans les tissus adipeux - un peu comme le ferait les lipides.
Nous allons un peu oublier les produits de la fermentation pour les besoins de cet article. Effectivement, nous pouvons voir deux types de source d'énergie: le sucre (qu'il provienne de disaccharides, d'amidon ou d'acide propanoïque) et les lipides (qu'ils proviennent du gras et des huiles alimentaires, ou des AGV).
Les lipides
Les lipides sont plus concentrés en énergie, étant donné que les acides gras (une molécule de lipide étant formé de 3 acides gras) sont des chaines de carbone et hydrogène pouvant aller de quelques carbones à une vingtaine.
Il existe deux types d'acides gras: les saturés, ceux qui ont deux hydrogènes sur chaque carbone de la chaine (voir le premier acide gras sur la photo ci-dessus), et les insaturés, qui possèdent un ou plusieurs carbones reliés par une liaison double (et donc les deux carbones ainsi reliés ne possèdent qu'un seul hydrogène, cf les deux autres acides gras sur la photo ci-dessus). Un aliment riche en acide gras insaturé sera liquide à la température ambiante, alors qu'un aliment riche en acide gras saturé sera solide à la température ambiante.
Les acides gras insaturés sont plus bénéfiques à la santé. On a bien sûr tous entendu parlé des omégas 6 et des omégas 3. Les omégas sont des acides gras insaturés qui possèdent leur première double liaison au 3e ou au 6e carbone, ce qui détermine leur fonction dans le corps. C'est acides gras sont essentiels car ils ne peuvent être synthétisés par le corps et ont une fonction très importante, notamment pour la composition de nos cellules (lié au cholesterol) et pour notre système immunitaire. Un certain ratio est à entretenir pour permettre une efficacité parfaite du système immunitaire. Par exemple, l'huile de tournesol est une bonne source d'omégas 6, alors que l'huile de colza est une bonne source d'omégas 3.
Les lipides sont, en plus d'une source d'énergie hyper concentrée, un vrai atout pour la santé générale du cheval.
Le métabolisme énergétique
Métabolisme rapide vs. lent
L'énergie provenant du sucre (ou de l'amidon, etc.) est une énergie à métabolisme rapide. Le sucre est très vite digéré et absorbé dans l'estomac et l'intestin grêle, où il sera directement sous forme glucose et donc directement utilisable comme source d'énergie. Le sucre sera alors utilisé par glycolyse, un mécanisme rapide mais pas très efficace et qui mène à la production d'acide lactique.
Les lipides mettent plus de temps à être assimilés et demandent plus de traitements avant d'être utiliser comme source d'énergie. Effectivement, les lipides doivent être oxydés avant de pouvoir être utilisés. C'est un processus extrêmement long et complexe, mais qui génère, de façon générale, de l'alcalinité. De ce fait, les lipides ne seront utilisés que dans les cycles long pour la production d'énergie, qui prend certes plus de temps, mais qui est bien plus efficace en terme de rendement.
Acide vs. alcalin
Comme dit précédemment, le métabolisme rapide de la glycolyse mène à la production d'acide, ce qui acidifie le sang. Par opposition, l'utilisation de lipides comme source d'énergie permet de faire remonter le pH - c'est une source d'alcalinité.
Le pH physiologique est naturellement légèrement acide, presque basique. Hors, pendant l'exercice, l'utilisation de l'eau présente dans l'organisme mène à la concentration des acides qui y sont naturellement présents. C'est pourquoi les électrolytes sont si importants: ils permettent de contrôler le niveau d'acidité du sang pendant l'exercice. Utiliser un métabolisme lent générant de l'alcalinité pourrait être donc plus bénéfique pour aider contre cette acidification rapide.
Métabolisme et comportement
Des études ont été menées pour voir si ces deux métabolismes différents avaient une incidence sur le comportement. Les résultats montrent que les chevaux nourris sur un régime alimentaire fibre/lipides sont moins excitables, montrent moins de réaction de fight or flight (faire demi tour quand quelque chose leur fait peur), sont moins nerveux et ont une concentration de cortisol moins importante dans le sang. Ces différences restent toute fois minimes.
Là où la vraie différence à été vue était en comparant des chevaux ayant tendance aux "coups de sang" (rhabdomyolise ou myosite), qui se montraient beaucoup plus calmes, aidant donc à une meilleure évacuation des toxines et à diminuer les risques de myosite. C'est pourquoi il est importants pour les chevaux ayant ce syndrome, ou encore le RER ou PSSM, d'être nourri par ce régime, les trois syndromes étant liés. Si vous voulez en savoir plus sur ces maladies, vous avez ici accès à un très bon article.
Je tiens juste à préciser que les bénéfices d'un régime riche en matière grasse et fibre peuvent ne pas avoir été entièrement mesuré avec efficacité. Effectivement, il faut environs 2 à 3 mois pour que le métabolisme du cheval s'adapte et se serve efficacement des lipides, hors ces études ont rarement dépassé 6 semaines. Il est donc probable que les différences puissent être en fait plus importantes, et que les chevaux soient en fait véritablement plus calme sous l'effet d'un régime alimentaire riche en matière grasse (ou plutôt, comme il est souligné par le NRC, pauvre en amidon).
Métabolisme et travail
Il a été prouvé dans des études que le métabolisme des lipides est privilégié lors du travail du cheval - il serait alors inhibant du métabolisme du sucre. Ceci est particulièrement vrai pour de l'exercice à faible intensité (pas et trot, sur longue ou courte distance), mais c'est aussi vrai dans le cas d'un exercice à intensité moyenne (petit galop sur longue distance ou galop soutenu sur une plus petite distance). Ça n'est en revanche pas vrai pour l'exercice à forte intensité (pointe de vitesse maximale par example).
On pourrait donc en conclure que l'énergie provenant des lipides permet d'économiser celle provenant du sucre, qu'on pourra alors utiliser lors des vrais exercices de travail intense. On permettrait ainsi une utilisation énergétique optimale. Ainsi, on pourrait utiliser les lipides, générant moins d'acide et plus efficace mais plus lent, pour de l'exercice à intensité faible/modérée, et conserver le sucre, générant plus d'acide et moins efficace mais plus rapide, pour les pointes d'effort maximal.
Résumé et mise en garde
On voit bien alors que le métabolisme venant des lipides peut avoir de nombreux bénéfices. Pas besoin d'en donner des tonnes pour obtenir un bon rendement énergétique, et en plus avec une bonne source d'omégas on aide le corps du cheval sur d'autres aspects que seulement l'énergétique. La génération d'alcalinité est aussi un point important, ainsi que l'aide à garder son cheval plus calme et serein.
Hors, le métabolisme du sucre est beaucoup moins efficace et génère de l'acidité, tout en augmentant l'excitabilité et la nervosité du cheval.
Mais ceci ne prouve pas qu'il faut absolument supprimer toute source de sucre et donner du gras à gogo. Tout comme les excès de sucre sont dangereux, les excès de gras le sont aussi. Evidemment, si l'apport dépasse les besoins énergétiques, ça fait grossir, puisque les excès sont stockés dans les tissus adipeux. L'obésité peut être un vrai problème chez beaucoup de chevaux. Ceci est d'autant plus vrais sur les poneys plus rustiques ou les chevaux qui ont déjà tendance à prendre du poids facilement. Un régime riche en lipide mène, chez ces individus, à une plus grande intolérance au sucre et à une plus grande résistance à l'insuline, et ce même si les besoins énergétiques ne sont pas dépassés. Ceci est un facteur contribuant à la fourbure, en plus de l'obésité.
En conclusion
Choisir sa source d'énergie est donc, encore une fois, du cas par cas. On peut tout à fait voir qu'un cheval nerveux ayant tendance à perdre du poids pourrait largement bénéficier d'un régime riche en matière grasse et fibre, et pauvre en sucre et amidon. Les chevaux atteints de syndromes tels que la Rhabdomyolyse, RER ou PSSM, peuvent aussi largement en bénéficier.
Toute fois, il faut faire attention sur les races de chevaux plus rustiques, qui auront du mal à tolérer un régime riche en matière grasse tout autant qu'un régime riche en sucre. Attention aussi aux chevaux qui ont tendance à la fourbure, qui ne supporteront aucun de ces deux régimes non plus.
On voit donc encore une fois qu'il serait bon d'apprendre à limiter l'amidon dans le régime alimentaire de nos chevaux. Avec suffisamment de sucres simples, de fibres et de lipides, les chevaux ont largement assez pour être bien nourri. Les sucres simples sont plus facile à digéré que l'amidon qui peut en plus avoir des effets néfastes sur l'appareil digestif. L'herbe et le foin sont deux sources de sucre simple, sans pour autant être bourré d'amidon.
Toute fois, les sucres ne doivent pas être entièrement supprimé du régime alimentaire. Et dans certains cas, un complément en amidon est absolument nécessaire pour assurer l'exercice demander au cheval - les chevaux de haut niveau par exemple, comme les chevaux de course ou de compétition professionnelle.
En clair:
Régime de base = fibre + lipides (/!\ poneys) + sucres (/!\ poneys)
et + amidon si nécessaire.
Source: cet article a été écrit en se basant sur les informations fournies dans le livre Nutrient Requirements of Horses par le Nutrient Research Council. Pour plus d'information, se référer au chapitre 3 du livre sur les lipides, p44 à 53.