Suite à une publication Facebook sur ma page que vous pouvez trouver ici montrant une transition vers un aliment sans céréales, beaucoup m'ont poser la question de "comment faire une transition alimentaire?", et d'autres m'ont aussi demandé "pourquoi?". Je vais donc répondre à ces deux questions dans cet article et vous expliquer dans quel contexte faire une transition et avec quel protocole.
Système digestif - le "pourquoi" de la transition
D'abord il faut savoir que les chevaux ne sont pas comme les humains au niveau digestif (on n'avait pas remarqué!) et qu'ils ne peuvent pas se permettre changer leur alimentation comme ça. Effectivement ce qui est à la source du problème est simplement la flore intestinale! Nous, on ne dépend pas de notre flore intestinale pour la digestion, on dépend de nos propre enzymes. Les chevaux eux digèrent avec des enzymes dans leur estomac et leur intestin grêle, mais dans le gros intestin, ils sont entièrement dépendant de leur flore pour fermenter la fibre. Mais il n'y a pas que la fibre qui est fermentée, tout les nutriments qui arrivent au gros intestin sont fermentés, incluant les sucres, la protéine, etc.
La flore intestinale est adaptée au type de nutriment qu'elle reçoit. Les bactéries composant la flore ne sont pas capables de digérer tout les nutriments. Les bactéries les plus importantes sont celles spécialisées dans la fermentation de la fibre, notamment dans la production de cellulase, une enzyme capable de dégrader la cellulose et de la rendre digeste.
C'est pourquoi les chevaux ne peuvent pas changer leur alimentation trop souvent. Il est estimé qu'ils faut environs 2 mois pour que la flore intestinale soit complètement adaptée à un nouvel aliment (NRC, 2007). Quand un nouvel aliment est introduit, et que la capacité de la flore est limitée pour la digestion d'un certain nutriment, alors il ne sera pas digéré et pourra poser un risque de colique par l'accumulation de matière indigeste. Même sans parler de colique, le stress alimentaire et digestif n'est simplement pas bon ni nécessaire.
Dans le cas d'une transition vers le sans céréale, il faut aussi prendre en compte le métabolisme énergétique. Effectivement, quand nourri aux céréales, la source majeure d'énergie est le sucre dérivé de l'amidon. Hors, nourris sans céréales, la source majeure d'énergie provient des lipides, qu'ils soient issus de la digestion des matières grasses ou des fibres (acides gras volatiles). Il est considéré qu'il faut aussi 2 mois pour que le métabolisme soit capable d'utiliser correctement les lipides en tant que source d'énergie (NRC, 2007).
Quand faire une transition alimentaire
Toute fois, il ne faut pas non plus penser que la moindre petite chose ajoutée à l'alimentation pourra causer ce genre de soucis! De plus, tout les chevaux ne sont pas égaux face à cette capacité transitoire. La transition n'est qu'une sécurité, quelque chose qui permet de s'assurer qu'on ne stressera pas le système digestif du cheval. Elle n'est toute fois pas nécessaire dans tout les cas. Tout les suppléments donnés en petite quantité (jusqu'à une 100aine de grammes ou de millilitres par jour) n'ont pas besoin d'être introduits graduellement. Et si deux aliments ont une composition très proche (Marstall Faser Light et St Hippolyt Equigard Musli par exemple, dont vous pouvez retrouver les compositions dans le premier document de la Bibliothèque PDF) pas besoin non plus de faire une transition.
Par contre dans le cas de l'introduction d'un aliment plus riche (passage de Marstall Faser Light au Marstall Vito par exemple) ou dans d'un changement complet tel qu'un aliment avec céréales à un aliment sans céréales, la transition est très vivement recommandée. Elle est aussi nécessaire (et surement bien plus importante) dans le cas d'un changement d'un fourrage de base! Je reviendrais là dessus plus tard dans l'article.
Le protocole pour faire une transition alimentaire
La longueur minimum d'une transition est recommandée à 21 jours, mais la longueur idéale serait plutôt de 30 jours. Effectivement, comme on l'a dit plus haut, il faut environs 2 mois pour que la flore soit complètement habituée, 1 mois est donc la moitié de cette période et semble suffisant pour éviter les risques de coliques liés à la transition.
Pour le protocole, on va considéré que le cheval était nourri au Reverdy Adult (RA) et qu'on veut le passer au Marstall Faser Light (MFL). Il recevait 2kg par jour de RA, et après calcul de ration, on sait que la quantité idéale de MFL sera 1kg par jour. Cela marche de la même façon si on mesure en Litres, l'unité n'a pas d'importance ici.
Chaque étape dure 7 à 10 jours.
Etape 1: 25/75 (7 à 10 jours)
Pendant la première étape on donne 75% de l'ancienne alimentation mélangée à 25% de la nouvelle alimentation. Dans ce cas:
RA: la quantité initiale est de 2kg, et on veut donner 75% de cette quantité. On donne donc (75/100) x 2 = 1,5kg de RA par jour
MFL: la quantité finale est de 1kg, on veut donc donner 25% de cette quantité. On donne donc (25/100) x 1 = 0,25kg de MFL par jour
Etape 2: 50/50 (7 à 10 jours)
A cette étape on donne 50% de chaque.
RA: 50% de 2kg = 1kg par jour
MFL: 50% de 1kg = 0,5kg par jour
Etape 3: 75/25 (7 à 10 jours)
L'inverse de l'étape 1, on donne 75% du nouvel aliment et 25% de l'ancien.
RA: 25% de 2kg = 0,5kg par jour
MFL: 75% de 1 kg = 0,75kg par jour
Après l'étape 3, on arrive à la fin de la transition, qui aura durée 21 jours si on choisis la durée minimale de 7 jours par étape, ou 30 si on choisi de faire durer chaque étape 10 jours. A la fin de l'étape 3, on pourra donner 100% du nouvel aliment, soit 1kg de MFL, et jeter l'ancien (ou prolonger la transition jusqu'à ce qu'il soit fini, comme vous préférez)!
Une bonne idée pour aider la transition alimentaire est de donné un pré/probiotique pendant cette période. Pour rappel (ou si vous ne saviez pas) un probiotique est source de microorganismes "vivants" qui sont donnés et ajoutés directement à la flore intestinale. Et un prébiotique est source alimentaire pour la flore intestinale qui ne bénéficiera qu'à la flore. L'Audevard YeaSacc a plus que fait ses preuves mais est extrêmement cher... Peut-être plutôt à utiliser en cas de maladie plutôt que de transition. Sinon j'ai entendu beaucoup de bien du Proferm de Pro DHM qui se sert des EMA comme probiotique. Les deux produits sont des pro ET prébiotique en même temps.
Transition alimentaire dans le cas du fourrage
Une erreur faite par beaucoup de monde qui s'avère souvent bien fatale... Combien de fois on entend parler de la fameuse "colique d'herbe" quand le cheval gardé au foin tout l'hiver est soudainement mis au pré! Une transition d'un fourrage à l'autre est aussi essentielle, et même bien plus importante que la transition d'un concentré à un autre. Le fourrage, on en donne des 10aines de kilos par jour...
Une transition foin/enrubannée est bel et bien nécessaire quand on passe de l'un à l'autre! Il arrive que certains enrubannés soient très proche en composition que du foin, et dans ce cas on pourrait se passer de transition, mais comment savez-vous que la composition est proche si vous n'avez pas tester et votre foin et votre enrubanné? Donc on fait systématiquement une transition.
La transition foin/herbe est encore plus importante. Je suis première coupable de ne pas la faire correctement, Willow est toujours sorti subitement à l'herbe après l'hiver, mais même en plein milieu de l'hiver Willow a toujours accès a un pré avec de l'herbe (même en quantité ridicule et sans vraie qualité nutritive) il ne part donc pas de 0. Mais systématiquement, il me fait de la fourbure. Non pas la fourbure où la phalange bascule et il devient boiteux en mode "oulalala le véto", simplement une inflammation au niveau de la laminae qui marquera une ligne horizontale sur le sabot à la couronne 1 mois plus tard, et qui le rend sensible sur terrains durs (route et cailloux surtout). Ça dure 2-3 semaines puis son métabolisme s'habitue. Mais ça n'est pas bien... Je le sais... Et c'est moi qui vous dit de ne pas le faire...
Pour une transition fourragère, vous pouvez vous servir du même protocole, mais choisir peut être une unité de temps plutôt qu'une unité de mesure. On sait que le cheval passe environs 16h par jour à s'alimenter, donc c'est vers ça que l'on va s'orienter. Au début on va consacrer 25% de ces 16h au pré, et les autres 75% de ces 16h au box, ce qui fait un total de 4h au pré et 12h au box (plus de reste de la journée au box, les autres 8h où le cheval n'est pas censé être entrain de manger) le tout pendant une semaine. Il faut savoir qu'une fois retourné à la bonne herbe bien fraîche les chevaux vont surement se jeter dessus et passer les 4h à se goinfrer. Connaître son cheval! Si c'est le cas, introduire plutôt 2h les premiers jours, puis passer à 4h après. Ensuite vous continuez, la deuxième semaines on passe à 8h par jour au pré et 8h par jour au box (plus les dernières 8h au box). La troisième semaine on passe à 12h au pré (par exemple de 8h du soir à 8h du matin) et les autres 4h (plus 8h non alimentaires) au box. On peut même intégrer une quatrième semaine de transition, 16h au pré et 8h au box, ce qui nous permet de vraiment laisser le temps au cheval de s'adapter. Puis à la 5e semaine, 100% au box. Pareils dans l'autre sens vers le box/foin.
Malheureusement il est bien rare que nous ayons le contrôle sur ce genre de chose et c'est les pensions qui gèrent ça (mal). Mais si vous pouvez... faites le! Et c'est valable aussi dans l'autre sens! Le miens est toujours rentré progressivement au box/paddock dur avec foin (au moins ça, je peux le faire...).
Vous pouvez faire la même chose sur le foin/enrubanné, ou vous pouvez aussi le faire en filet à foin. Par exemple la première semaine vous remplissez 75% de foin et 25% d'enrubanné, etc.Malheureusement encore une fois si c'est les pensions qui gèrent... Faites ce que vous pouvez!