L’Echelle de Progression est un système d’étapes, un guide qui permet de faire progresser son cheval tout en respectant son anatomie, sa biomécanique et sa psychologie. L’échelle permet de se poser les bonnes questions pour avoir les bonnes réponses : elle répond au « pourquoi ça ne marche pas » et « qu’est ce qu’il faut faire pour s’améliorer ». De nos jours on cherche tous le résultat rapide, et on oublie trop souvent d’établir de bonnes bases, alors que c’est justement ça le secret pour obtenir ce que l’on veut !
Pour ceux qui suivent ma page depuis quelques temps, vous avez déjà lu (si vous avez eu le courage) cet article sous forme d’une série que je sortais toutes les semaines aux mois d’octobre et novembre 2016 (auxquel vous avez accès en cliquant ici). Pour ceux qui n’ont pas lu les originaux, par manque de courage ou parce que vous ne les avez pas vus, cet article là a été raccourcis !!
J’ai décidé de re-publier ces articles en un seul et même texte, que j’ai au passage révisé. Vous avez été très nombreux à y réagir et à le partager et je vous en remercie énormément. Si vous voulez le (re)découvrir, ou le (re)partager, voici l’opportunité!
Cet article est basé sur la lecture du livre The Scales of Training Workbook, écrit par Claire Lilley (2010, J.A. Allen).
Introduction
L’Echelle de Progression trouve ses origines dans l'équitation de tradition Allemande, mais aussi Française et Italienne. L’école la plus influente pour la théorisation de l’échelle de progression est l’Ecole d’Equitation Espagnole de Viennes, ainsi que d’autres maîtres tels que François de la Guérinière. Elles ont été écrites sous leur forme définitive dans les années 1950 par l’Ecole de Cavalerie Allemande de Hanovre.
Quand on parle de l’Echelle on pense automatiquement au dressage, mais détrompez vous, tout cheval, tout exercice, toute discipline est concerné par ce même système qui est applicable à toute situation: de la balade au cours de saut en passant par le travail à pied, on s’y retrouve toujours.
L’Echelle est composée de 6 marches, ou étapes:
Rythme - nom allemand originel: Takt
Relaxation et Souplesse - Losgelassenheit
Contact - Anlehung
Impulsion - Schwung
Rectitude - Geraderichten
Rassembler - Versammlung
Néanmoins, cet ordre n’est pas rigide; très souvent, bien qu’on travaille sur une étape de l’Echelle, on travaille en parallèle sur une autre. D’ailleurs, on pourrait discerner trois grands groupes: le travail d’assouplissement (Rythme, Relaxation et Contact), le travail d’engagement des postérieurs (Souplesse, Contact et Impulsion) et le travail en équilibre (Impulsion, Rectitude et Rassemblé).
Nous allons maintenant voir en quoi consiste chaque étape séparément avant de conclure sur comment utiliser l’Echelle au quotidien et quels en sont les bénéfices.
1. Rythme
Cette étape réfère au rythme pris par les membres à chaque fois qu'ils sont posés sur le sol. Un rythme régulier est absolument essentiel à tout travail - essayez d'aller sauter un obstacle de 1m de haut ou de faire dès déplacements latéraux au trot sans rythme régulier... Vous y arriverez peut être, mais ça sera pas beau à voir !
De plus, tout cheval qui est bien dans son corps fonctionne dans un rythme régulier : une irrégularité du rythme est un signe d’inconfort qui peut être tout aussi bien physique qu’imposé (une selle mal adaptée, un cavalier mal équilibré, ou tout simplement, même à la longe, des demandes trop inconsistantes qui embrouillent le cheval). C’est pourquoi le rythme est à la base de tout : avoir un cheval bien dans son corps, capable de travailler avec son cavalier (et le cavalier prêt à travailler avec son cheval !).
Effectivement, le cavalier joue un rôle très important dans le rythme : ses demandes doivent être consistantes pour que le cheval ne soit pas surprit et pour qu’il comprenne où est la prochaine étape. La consistance du rythme du cheval est directement liée à la consistance des aides de son cavalier.
Exercice pour travailler le rythme:
les barres au sol
Un cheval novice qui ne travaille pas en rythme peut trouver difficile de passer une seule barre au sol, simplement parce qu’il ne sait pas quoi faire de ses pieds ! Les barres ramènent la concentration du cheval sur ses pieds, et, soyons logique, tout le travail du cheval repose sur ce qu’il fait de ses pieds.
2. Souplesse et Relaxation
Cette étape réfère non seulement au fonctionnement souple du corps, mais aussi à la relaxation mentale: le cheval est prêt à travailler, autant physiquement que mentalement.
L'aspect musculaire
Toute action musculaire est composée de deux muscles : un agoniste et un antagoniste. L’agoniste est celui qui se contracte et qui créer le mouvement : une contraction optimale permet un mouvement optimal. L’antagoniste, quant à lui, est le muscle opposé à l’agoniste, qui se détend lorsque que l’agoniste se tend. La relaxation de ce muscle est absolument essentielle pour permettre la contraction optimale du muscle agoniste. Toute tension dans l’antagoniste fonctionnera à l’encontre du mouvement.
Par exemple, dans le corps du cheval, les abdominaux sont les muscles antagonistes du long muscle dorsal (longissimus dorsi). Quand les abdominaux se contractent, le longissimus dorsi se décontracte, ce qui permet une contraction optimale des abdominaux. Toutes tensions au niveau du longissimus dorsi empêcheront une contraction optimale des abdominaux, et vice versa.
L'aspect comportemental - la descente d'encolure
L’un des indicateurs les plus importants de l’état de relaxation mentale du cheval est la position de son encolure : effectivement un cheval entrain de brouter ou de se prélasser au soleil portera son encolure basse ou en position neutre. Au contraire, un cheval aux aguets portera une encolure haute.
Ceci se manifeste monté lors du travail en extension d’encolure : le cheval étend volontairement son encolure vers le bas lorsqu’il est relaxé mentalement – et que sa souplesse physique le permet. Si un cheval n’est pas capable, ou pas volontaire, d’étendre son encolure vers le bas, ça ne sert à rien d’aller chercher plus loin – le cheval n’est pas prêt, ni physiquement, ni mentalement.
Vous remarquerez donc que sans extension d’encolure, nous n’avons pas accès au reste de l’échelle – à la mise en place par exemple. Le travail en extension d’encolure n’est pas un but en soi – c’est une base !
Souplesse et rythme
Souplesse et rythme vont souvent de paire : effectivement un cheval relaxé est forcément rythmé, puisque que toute source d’un rythme irrégulier est une source d’inconfort. Par contre, il est parfaitement possible de voir un cheval tendu mais rythmé (d’où la souplesse vient en deuxième après le rythme) : c’est comme ça qu’on produit ses allures très relevées observées de nos jours dans les concours de dressage (c’est pourquoi ses allures sont qualifiées d’incorrectes !).
Cependant, certains auteurs placent la relaxation tout en bas de l’échelle : effectivement la relaxation de l’esprit est impossible si le cheval ne fait pas confiance à son cavalier (qui deviendra alors une source de stress). Ces auteurs considèrent donc que la relation cavalier/cheval est la base de tout travail. De plus, bien qu’il soit possible de rythmer un cheval tendu, il est parfois nécessaire d’avoir un cheval relaxé et souple pour qu’il puisse travailler en rythme. Cette partie de l’échelle est donc discutable, mais au final, le message à retenir est bel et bien que la souplesse et le rythme sont la base de tout, et que sans ça, il est absolument INUTILE d’aller chercher plus loin ! Vous n’obtiendrez pas de placé correct ni d’impulsion ou d’incurvation si votre cheval n’est pas souple et rythmé.
Exercice pour travailler la souplesse/relaxation: la serpentine
En effet, le fait de changer le pli aussi régulièrement poussera le cheval à utiliser son corps de la tête à la queue dans les deux sens, ce qui bien souvent aidera le relâchement des muscles du dos et la descente de l’encolure.
3. Contact
La première chose à savoir sur le contact c’est que ça ne réfère pas uniquement aux rênes et à la main du cavalier. L’allemand Anlehung originel de cette étape de l’Echelle se traduit plus précisément pas « support » : tout comme la souplesse réfère aussi a un état mental, le contact réfère à la communication entre cheval et cavalier, ce qui passe, bien sûr, par les mains, mais tout autant par l’assiette et les jambes. Un aspect très important du contact est donc l’habilité du cavalier à accorder ses aides.
Le contact réfère donc en partie à la mise en place, mais il faut faire très attention à ce qui est sous-entendu par ce terme. La mise en place ce n’est pas qu’une question d’encolure du cheval qui s’arrondie, c’est un état du corps entier, d’équilibre, de relaxation, et d’engagement des postérieurs.
Obtenir ceci ne vient donc pas des mains : ce ne sont pas les mains qui essayent de tirer le cheval dans une position forcée, car qui dit force dit tension et on redescend à l’étape 2 de notre Echelle. La mise en place n’est effectivement pas quelque chose que l’on demande, mais quelque chose que l’on reçoit. C’est en rééquilibrant son cheval (assiette) et en engageant les postérieurs (jambes) que le cheval vient se poser sur la main (c’est pourquoi la mise en place est parfaitement possible en freestyle ou cordelette !!! dans ce cas le cheval ne se pose sur rien du tout et est pourtant bel et bien en place, puisque que cela réfère à l’équilibre du cheval et non à son encolure).
J’ajoute aussi que c’est pourquoi tous les débats sur la relaxation de la mâchoire et la mise en place sans mors sont inutiles: ce n’est pas la relaxation de la mâchoire qui met un cheval en place, c’est un outil c’est tout. Ce qui compte c’est l’équilibre et le dos du cheval, et non pas son attitude.
Un point anatomique
Anatomiquement parlant, la mise en place c'est le moment où on commence à rééquilibrer le cheval vers l'arrière. Effectivement, jusque là, on se servait du système naturel du cheval qui baisse la tête pour pouvoir soutenir son dos, comme lorsqu'il broute. Ceci est assuré par deux ligaments, le ligament nuchal et le supra-épineux. Leur fonctionnement sera expliqué plus en détail dans un article futur. Hors, cet abaissement de la tête ne permet pas au cheval de s'équilibrer sur les hanches; on demande alors, au fur et à mesure, au cheval de se redresser. Le ligament nuchal ne peut pas être en position de maintien si l'encolure est haute: c'est alors aux muscles de l'encolure d'assumer ce rôle.
Muscler l'encolure dans ce sens prend du temps, et cette étape ne devrait en aucun être précipitée. Si a un moment où un autre on essaye d'aller trop vite, c'est alors le longissimus dorsi, le long muscle du dos, de prendre le relais pour soutenir le dos du cheval. Hors, un longissimus dorsi contracté en permanence est contraire à notre principe n°2 de relaxation - on retombe donc à l'étape précédente et on n'a pas accès à la suite! Ce qui prouve, encore une fois, que la mise en place ne peut-être forcée. Elle doit s'obtenir en influençant l'équilibre du cheval.
Exercices pour travailler sur le contact: les déplacements latéraux
Tout ce qui est déplacement latéral avec un pli (hanche en dedans, épaule en dedans, etc.) permet de travailler sur l’engagement et l’équilibre et donc permettra de travailler sur le contact. Ces exercices permettent aussi au cavalier de travailler sur l’accord des aides. Plus simple pour les chevaux plus novice incluent incurvation, serpentines, etc.
4. Impulsion
Tout comme le rythme et la relaxation vont de paire et l’un est synonyme de l’autre, l’impulsion va de paire avec le rassembler : les deux sont complémentaires, et travailler sur l’un, c’est travailler sur l’autre. L’impulsion, comme vous l’avez sûrement appris par cœur pour votre galop 2, c’est « le désir du cheval de se porter en avant, naturel ou acquis par le dressage » (je crois que ces mots sont gravés dans ma tête pour toujours !). Effectivement, cette définition se rapproche énormément de la signification de l’allemand Schwung, encore faut-il comprendre ce qui est sous-entendu.
Vous l’aurez bien compris, l’Echelle de Progression ne réfère pas uniquement à un état physique. En fait, on a pu remarqué dans les 3 points précédents que chaque étape possède 3 « pôles » : le mouvement du cheval, son mental, et une qualité chez le cavalier. Nous allons donc voir ce que ces 3 pôles sont pour l’impulsion.
L'aspect mental
Revenons à notre définition de l’impulsion : le désir de se porter en avant. Le mot à retenir dans cette définition, c’est le mot « désir », effectivement c’est la partie la plus importante de cette phrase ! Schwung réfère effectivement à une énergie, une volonté du cheval à travailler, à répondre à son cavalier. Quand on parle d’impulsion, on a tendance à penser tout de suite à un cheval qui avance, qui engage ses postérieurs ; on le voit d’un coté mécanique, alors qu’en fait, bien que le mécanique soit un aspect de l’impulsion, le plus important est bel et bien le désir !
Ce qui serait superbe c’est que si, à partir de maintenant, on pouvait tous remplacer cette image que l’on a de l’impulsion « mécanique » avec une image positive d’un cheval qui s’amuse, qui aime ce qu’il fait, et un cavalier avec un grand sourire qui travaille en harmonie, autant physique que spirituelle, avec son cheval ! Vous la voyez l’image, avec le cheval et son cavalier qui « volent sur leur petit nuage » ? Eh bien c’est ça l’impulsion !
L'aspect physique
C’est là qu’on va se concentrer sur la deuxième partie de notre définition : se porter en avant.
Il y a une distinction très importante à faire : l’impulsion ce n’est pas avoir un cheval qui trotte à 1000km/h, qui pèse 10kg dans chaque main et qui traine les postérieurs et est entrain de courir après sa tête… Effectivement, l’impulsion ce n’est pas de la vitesse, c’est de la puissance. L’impulsion c’est le moment où le cheval abaisse ses hanches, pli ses jarrets, et balance son poids sur son arrière main; ce moment où il “se porte”. Ceci engage les postérieurs et soulève l’avant main, la rendant légère et libre.
La propulsion (qui est partie intégrante de l’impulsion) réfère donc au moment où l’énergie est transmise par les postérieurs vers le haut et vers l’avant (et non pas vers l’avant et vers le bas comme les chevaux de courses… ou quand les chevaux qui ne sont pas prêts physiquement s’appuient sur le mors pour essayer désespérément de s’équilibrer quand on lui demande quelque chose qu’il ne peut pas faire !).
N’oublions pas que tout ceci doit se faire en résultat des étapes précédentes, et que ces étapes ne sont pas soudainement effacées quand le cheval en arrive à ce niveau ! La propulsion doit être rythmée, les muscles de l'encolure fonctionnent correctement, de façon à mettre le ligament supra-épineux en position de maintien, et donc de permettre aux muscles du dos de fonctionner de façon optimale en alternant relaxation et contraction. Tout ce qu’on fait à l’étape 4 c’est d’ajouter à l’image la notion d’abaissement des hanches et de répartition du poids sur l’arrière main.
L’impulsion est une étape extrêmement importante pour le saut d’obstacle (eh oui j’avais bien dit que l’Echelle de Progression ce n’était pas que pour le dressage). Effectivement, l’obstacle se sert largement de la capacité du cheval à abaisser ses hanches en poussant sur ses postérieurs. Ceci ne réfère pas uniquement au saut en lui même mais aussi à l’abord : quand on aborde un obstacle d’1m60 (ou moins, même 1m, ça commence à demander de l’effort !) on ne peut pas avoir un cheval qui coure après sa tête, sinon il va juste traverser les barres ! Il faut rééquilibrer le cheval vers l’arrière et obtenir cette énergie vers le haut et vers l’avant.
Le rôle du cavalier
On avait déjà parlé de l’accord des aides pour l’étape précédente. Dans l’impulsion, on va parler plus de l’accord entre l’assiette et les jambes. Effectivement, l’impulsion est obtenue par la jambe, contrairement à ce que certains pensent : si on essaye de pousser avec l’assiette, tout ce qu’on fera c’est bloquer ses propres hanches et donc s’opposer au mouvement du dos du cheval. C’est assez contradictoire, puisqu’on veut au contraire permettre au dos du cheval de bouger. Effectivement, c’est aux jambes de demander l’engagement des postérieurs et aux hanches de l’accompagner, ou de « laisser passer » le mouvement. En d’autres mots, les hanches ne créent pas le mouvement, elles le suivent.
On en revient donc à l’idée de l’accord des aides : les jambes sont les premières à fonctionner, elles demandent au cheval d’avancer et de pousser sur ses postérieurs. La seconde où le cheval bouge, les hanches du cavalier doivent s’actionner ; non pas de façon forcée mais de façon relâchée, pour permettre au dos du cheval de fonctionner et à ses hanches de s’abaisser.
Exercices pour travailler l'impulsion: voltes et demi-voltes
Etant donné que l’impulsion réfère à la puissance dégagée par l’engagement des postérieurs et non à la vitesse (j’espère qu’on comprend tous la nuance maintenant !) les exercices suivants ne sont pas des exercices de vitesse, mais des exercices d’équilibre. Les voltes (rappel : cercle de 10m de diamètre), demi-voltes et demi-voltes renversées sont de supers exercices pour commencer doucement sur l’engagement du postérieur. Bien sûr, la suite logique c’est tout ce qui est demi-tour ou tour complet sur les hanches, au début au pas puis évoluer vers la pirouette.
A l’obstacle, on peut travailler l’impulsion avec des sauts de puce, qui forcent le cheval à se remettre sur les hanches entre les obstacles et à alléger ses épaules.
Commentaires en photo - application de la théorie
Je voudrais d’abord qu’on se focalise sur la ligne rouge des 3 photos : cette ligne représente l’énergie obtenue par le pied et qui se transmet dans le squelette du cheval. Sur la première photo, à l’arrêt, on voit que la ligne rouge est ouverte au niveau des postérieurs et parallèle au sol au niveau du dos. Ceci représente le niveau « neutre » du postérieur et du dos (qui est propre à chaque cheval !!! Kersan est un petit cheval compact, Willow en comparaison aurait le postérieur plus « sous-lui » à l’arrêt et la ligne du dos pencherait vers l’avant). Ceci est une information absolument nécessaire à savoir : quel est l’équilibre naturel de son cheval? Willow est naturellement sur les épaules, tout exercice demandant l’allégement des épaules sera plus dur pour lui, mais tout exercice de puissance sera plus facile.
Ensuite comparons aux deux autres photos : la photo 2 montre l’énergie transmise du postérieur vers le haut et vers l’avant (dans cet ordre !!), et la photo 3 montre l’énergie transmise vers l’avant et vers le bas (dans cet ordre) permettant la vitesse. Regardez sur Kersan et comparez à la photo au repos : le postérieur est engagé et est venu soutenir sa masse corporelle, et les épaules sont allégées avec une ligne de dos qui n’est plus parallèle au sol ! Effectivement, maintenant son garrot s’est allégé et soulevé (ou plutôt : ses hanches se sont abaissées).
Regardons maintenant les lignes roses : elles représentent l’effet de ressort qu’à le postérieur quand le cheval montre de la propulsion, qui permet l’abaissement des hanches. On voit très clairement sur la photo 2 (où Zoé faisait faire une pirouette au pas) que Kersan abaisse ses hanches et vient plier ses jarrets. Comparez avec la ligne perpendiculaire de la métatarse avec le sol sur la photo au repos (je précise que la ligne rose est faite à partir de la jambe de soutient qui est de l’autre côté sur la photo). Eh bien voilà, c’est ça l’impulsion ! C’est quand le postérieur de soutient se sert de cette énergie « ressort » qui permet de propulser le cheval.
Remarquez aussi que nos étapes précédentes ne sont pas oubliées ! Kersan est en place, en contact avec Zoé (regardez son oreille dirigée vers sa cavalière), avec la nuque au plus haut point et le regard serein ! Un bel exemple de complicité et de travail en équilibre et tout ça… à pied !
5. Rectitude
La définition simple et basique de la rectitude c’est les postérieurs qui suivent la même trace que les antérieurs, sur des lignes droites tout comme sur des lignes courbes ou des cercles. Il y a deux éléments majeurs qui influencent la capacité du cheval pour la rectitude :
1/ le cheval doit être capable d’avoir les « épaules devant les hanches », ce qui veut dire que le cheval doit « pousser droit ». Dans une ligne droite, le cheval doit rester droit, chaque vertèbre de son corps alignée avec celle de devant et celle de derrière.
Rappel que les vertèbres du cheval sont : les cervicales, les thoraciques, les lombaires, les sacrées et les coccygiennes. Aucune vertèbre ne doit échapper à la règle, que ce soit les cervicales ou les coccygiennes (la queue) ! Attention, ce n’est pas parce que toutes les vertèbres doivent être alignées que le cheval doit être « droit comme un pic », il doit toujours être relaxé et les vertèbres doivent être capable de bouger tout en restant alignée.
La notion « pousser droit » est aussi valable dans les virages : dans ce cas le cheval doit venir s’incurver. La notion d’incurvation réfère à la capacité du cheval de « s’enrouler » autour de la jambe du cavalier. Les vertèbres forment alors un arc qui correspond au tracé du cercle (un arc plus fermé si c’est un petit cercle et un arc plus ouvert si le cercle est plus grand). Pour le coup, ceci n’est pas valable pour toutes les vertèbres : les lombaires et les sacrées sont scellées entre elles et ne sont pas capable de mouvement latéral. Les coccygiennes ne devrait pas non plus montrer une incurvation excessive, puisqu’elles suivent la trace des sacrées et des lombaires. En résumé, l’incurvation dépend surtout des vertèbres thoraciques et cervicales, mais attention, l’arc formées par ces vertèbres doit correspondre au tracé au sol que le cheval effectue !
2/ le cheval doit être capable de symétrie : il doit pouvoir être capable de travailler de la même façon des deux cotés et de passer de l’un à l’autre sans problèmes. Un cheval capable de symétrie est musclé de la même façon des deux cotés de son corps et ne montre pas de caractéristiques « gaucher » ou « droitier ». Son poids est réparti également sur les deux postérieurs.
Les deux ensemble : la rectitude est la capacité du cheval à répartir son poids de façon égale sur les deux postérieurs.
Réflexion - l'influence du cavalier sur la rectitude: l'importance de la remise en question
A l’origine, dans cet article n°5, j’avais détaillé une longue réflexion sur la question: “le cheval est-il vraiment “droitier” ou “gaucher”, ou est-ce une influence du cavalier?” Je ne vais pas re-détailler de la même façon (vous avez toujours accès à l’ancien article pour plus de détails).
En résumé, j’avais été cherché des informations dans des revues scientifiques qui ont fait des tests là-dessus. Il n’y a pas vraiment de réponse à la question, en tout cas pas de façon définitive. Certaines études démontrent que comme nous le cheval possède un cerveau droit et un cerveau gauche qui ne sont pas utilisés de la même façon, mais certaines études prouvent aussi que le cheval est naturellement ambidextre. De façon générale, les études ayant pour conclusion que les chevaux ont cette caractéristique de “droitier” ou “gaucher” sont des expériences faites sur des chevaux débourrés et influencés par l’homme, ce qui pose la question de l’influence de l’homme sur cette caractéristique.
Bien sur ceci réfère à la capacité naturelle, mais il est sûr que certains chevaux développent des asymétries suite à une blessure, même une fois que celle-ci est complètement guérie - ce qui montre l’importance de l’habitude du cheval à utiliser son corps d’une certaine manière, pouvant mener à des asymétries.
Il est vrai qu’être “droitier” ou “gaucher” implique que notre corps est formaté pour réagir et réfléchir par le même coté, mais même si on est ambidextre on peut parfaitement prendre l’habitude de faire telle ou telle chose uniquement d’un coté. Un cheval naturellement ambidextre pourrait donc montrer une caractéristique gauchère alors qu’en réalité il est largement capable de se servir de ses deux cotés de façon égale (alors que le gaucher, lui, peu importe comment on l’entraîne, restera un gaucher).
On peut alors se demander: que se passerait-il si on éduquait et travaillait vraiment nos chevaux de la même façon des deux côtés? Verrions-nous un vrai changement?
Le cavalier est une source majeure d’asymétrie chez le cheval, c’est indéniable. Effectivement, on les influence depuis qu’ils sont petits par notre propre inhabilité à l’ambidextrie, et on leur fait prendre tout un tas d’habitudes qui, au fur et à mesure, influencent le développement de leurs muscles.
Le problème encore une fois vient de ce côté traditionnel extrêmement encré dans le monde équestre : on mène notre cheval par la gauche, on monte par le coté gauche, on fait tout à gauche puisque nous de toute façon on est droitier (en majorité, désolé pour mes amis les gauchers… !). Et tout ça pourquoi : parce qu’il y a des années et des années les soldats portaient leur épée à gauche et ça permettait de ne pas blesser le cheval. Sauf que désolé mais je ne voit aucun de vous se balader avec des épées accrochées à vos ceintures, donc vous pouvez vous détendre et apprendre à votre cheval à être mené et monté des deux cotés!
Exercice pour travailler la rectitude: le 8 de chiffre
Bien sûr, au centre de la rectitude se trouve l’incurvation, qui permettra donc de travailler droit sur le cercle. Le 8 de chiffre avec incurvation et contre-incurvation est excellent pour travailler la rectitude.
Pour ceux qui ne connaissent pas : le « straightness training » est une méthode par Marijke de Jong qui consiste à rééduquer des chevaux qui sont bloqués et qui ne fonctionnent pas correctement. Les étapes du straightness training ici, où on peut admirer la légèreté du travail accompli et la volonté des chevaux à faire les exercices.
6. Rassembler
Le rassembler c’est « l’étape finale », c’est le moment où tout le travail effectué en amont est finalement « rassemblé » et que le cheval est capable de porter son cavalier aucun préjudice physique ; le moment où le cheval peut être qualifié d’athlète. Le cheminement pour y arriver est long, non pas seulement parce qu’il y a beaucoup d’étapes avant, mais aussi parce que chaque étape correspond à une nouvelle compétence et le développement d’un nouveau groupe de muscle.
Le rassembler porte très bien son nom, effectivement non seulement ça réfère au rassembler du cheval dans son corps et dans ses allures, mais aussi au rassembler de toutes les compétences que cheval et cavalier ont appris au fur et à mesure. En fait, cette étape ne nous vous apprendra rien de nouveau : le rassembler c’est le résultat de l’addition de toutes les autres étapes de l’échelle.
Un cheval rassemblé c’est un cheval qui est en équilibre (Rythme), suffisamment souple (Relaxation) pour permettre la perméabilité et l’élévation de la nuque au plus haut point (Contact) ainsi que le raccourcissement des foulées qui gagnent alors en élévation (Impulsion) par l’abaissement des hanches sur lesquelles le poids est répartie de façon égale (Rectitude).
La qualité du cavalier qui est observée lors du rassemblé c’est sa capacité à transmettre des demandes imperceptibles à son cheval. Encore fois, le rassemblé c’est le rassemblement des allures du cheval, de son chemin parcouru pendant son évolution dans l’Echelle, mais aussi le rassemblement avec son cavalier, le moment où cheval et cavalier semblent ne communiquer que par la pensée. Comme le reste, ceci est quelque chose qui se travaille depuis le début. On ne peut pas attendre de notre cheval de répondre à un simple durcissement de nos cuisses pour un départ au trot si depuis le début on lui plante des éperons dans les flancs. Soyez léger et juste depuis le début, et le cheval restera léger et juste pour toujours.
Ne pas confondre avec...
… un faux rassemblé obtenu par les mains. Effectivement depuis le début je dis bien le cheval se travaille de la jambe vers la main. Voici le pourquoi :
Un mouvement qui commence par la main du cavalier c’est un cavalier qui, avant tout, force l’encolure du cheval à s’arrondir. Quand on force quelque chose c’est qu’on va contre une résistance, donc déjà rien que ça : bye-bye la relaxation et le rythme, on retombe à la case départ. L’encolure est donc arrondie mais les muscles du dessous de l’encolure sont aussi entrain de forcer contre la main du cavalier, le résultat est donc un cheval qui s’encapuchonne. A partir de là, le cavalier se dit que son cheval ne bouge plus et n’a pas d’impulsion (forcément… on a déjà oublié la relaxation et le rythme…). Les jambes du cavalier cherchent alors à pousser l’arrière main à fonctionner malgré la tension et l’immobilisation de l’avant main. Puisque l’encolure est forcée dans une position qui ne permet pas le maintient du dos par le ligament supra-épineux, c'est alors le longissimus dorsi qui se tend pour permettre au cheval de se déplacer malgré l’immobilisation de l’avant-main. Si le dos se tend, alors les abdos se détendent. Le dos se creuse et les hanches sont incapables de s’abaisser. Le poids est porté sur l’avant-main et les postérieurs essaient de suivre le mouvement tant bien que mal.
Donc quand vous regardez un athlète de haut niveau travailler, détachez vos yeux de ses antérieurs qui donne cette impression de « beau mouvement » et regardez plutôt ses hanches et son rythme, qui ne devrait pas être saccadé mais fluide. Un cheval vraiment rassemblé semblera puissant dans sa croupe, et attirera automatiquement votre attention avec ses postérieurs. La justesse du mouvement n’est pas déterminée par les antérieurs… Mais par le pouvoir de l’arrière main.
Le rassembler, à quoi ça sert?
A l’obstacle, le rassembler est essentiel pour que le cheval puisse tourner des virages très serrés et sauter de gros obstacles à la sortie du virage, puisque l’abaissement des hanches permet de créer une force de propulsion « vers le haut et vers l’avant », permettant aux épaules de rester légères à tout moment.
En dressage, la capacité du cheval a se rassemblé est recherchée par le piaffé, le passage, les pirouettes au galop et les changements de pied au temps.
Quelques exemples:
Manolo Mendez qui apprend le piaffé à pied (allez à 1:08 si vous avez la flemme de tout regarder). Regardez comme il demande au cheval de venir rassemblé ses postérieurs sous lui, d’où nait le piaffé.
Et finalement, L’exemple le plus impressionnant: une vidéo qui prouve que c’est vraiment les postérieurs qui font tout le boulot ! Une belle démonstration d’un vrai moment de dressage.
(Juste au cas où vous n’aviez pas compris, les liens vidéos se font en cliquant sur les phrases en bleu!)
7. S'en servir au quotidien
Nous avons donc vu chaque étape une par une et expliqué comment chacune permettent au cavalier et au cheval de progresser vers la légèreté et l‘équilibre. Maintenant nous pouvons discuter de façon plus approfondie sur l’Echelle en elle même, toutes étapes comprises.
Message à retenir : Echelle de Progression = guide pour une équitation respectueuse
Les bases, c’est le rythme et la relaxation. Sans ça, ce n’est pas vraiment la peine de chercher plus loin. Trop souvent on voit des chevaux tendus dans un galop irrégulier et son cavalier qui se crispe parce qu’il n’arrive pas à mettre son cheval en place. L’Echelle est là pour éviter ce problème.
Mais encore faut-il savoir s’en servir correctement. L’Echelle ce n’est pas un « niveau », rien n’est jamais acquis. Ce n’est pas parce qu’un jour vous travaillez sur le piaffé que c’est fini, vous ne travaillerez plus jamais sur le rythme. L’Echelle fonctionne par séance, par exercice même.
Je m’explique. On emmène son cheval dans la carrière. La première chose qu’on teste c’est le rythme et la relaxation : est ce que le cheval est dans un rythme régulier et une cadence adaptée, est ce que son port de tête est neutre sans avoir à toucher aux rênes, est ce qu’il regarde partout nerveusement ou est ce qu’il attend vos ordres ?
Votre cheval fonce à 3000km/h la tête haut-perché ? Barres aux sols pour ramener son attention sur ses pieds et le cadencer.
Il est plus ou moins attentif mais la compétition d’hier l’a rendu courbaturé ? Huit de chiffres et serpentine pour chercher la relaxation du dos sans forcer.
Votre cheval est en super forme, il est cadencé, connecté à vos moindres demandes et descend sur le contact sans problème ? On va travailler sur le reculé pour chercher l’impulsion.
L’Echelle intervient aussi par exercice. Je suis entrain de travailler le reculé pour que le cheval vienne mettre son poids sur son arrière main, mais dès que je recule il lève la tête et se défend. Le résultat est qu’il creuse son dos et n’abaisse pas ses hanches. Que nous manque-t-il ? le rythme et la relaxation dans l’exercice. Notre but reste le même : travailler sur l’abaissement des hanches (=#4) mais pour se faire il faut d’abord que le cheval accepte de reculer sans se crisper (=#2). Nous allons donc récompenser toute cession de nuque, ou descente d’encolure, ou des vrais pas francs vers l’arrière pour récompenser. Le fait de récompenser le rythme et la relaxation permet d’avoir accès au contact, et par la suite, à l’abaissement des hanches (=impulsion).
Ça paraît sûrement compliqué et infini, mais croyez moi ça vient assez naturellement. Le tout est de se poser la bonne question : si vous n’arrivez pas à faire un exercice, demandez-vous ce qu’il vous manque, non pas forcément dans le travail du cheval en général, mais pour cet exercice en particulier. C’est en vous posant les bonnes questions que vous obtiendrez les bonnes réponses !
C’est pourquoi l’échelle est valable pour tout le monde. J’ai donné un exemple de travail monté mais c’est exactement la même chose si vous travaillez à pied. Vous voulez faire de beaux cercles en liberté ? la première chose que vous allez chercher c’est le rythme et la relaxation dans l’exercice : que le cheval reste autour de vous sans casser son rythme (s’il s’éloigne et se déconnecte il changera son rythme, puisqu’il ne répondra plus à vos demandes). Vous allez ensuite chercher le contact : le moment où vous pouvez avoir des transitions sans aucun problème en gardant le cheval en cercle autour de vous, par exemple. ETC. jusqu’à arriver à faire du passage en cercle en liberté autour de vous, alors que vous n’êtes qu’au milieu et que le publique pourrait jurer que vous êtes parfaitement immobile !
Mais d’en arriver aux figures de haute école n’est pas le but ultime de l’Echelle. Effectivement, elle est tout aussi valable pour le cheval de saut que celui de dressage, le but étant de permettre au cheval de porter son cavalier sans préjudice physique. La mise en place correcte et l’abaissement des hanches est tout autant valable pour le saut que pour le dressage ! et donc le cross par extension… Mais aussi aux adeptes du western et de l’équitation éthologique.
Conclusion et ouverture
Un aspect aussi extrêmement important c’est le respect de la physiologie et de la biomécanique du cheval. On oublie trop souvent le pourquoi au profit du spectaculaire. Dans mon parcours j’ai appris à vraiment apprécier le dressage – après tout quoi de plus noble que d’avoir pour but d’entraîner le cheval pour lui permettre de porter son cavalier sans compromettre sa santé ?
Mais il est absolument intolérable pour moi de regarder un Grand Prix de dressage. On voit les chevaux balancer leurs antérieurs comme des malades, l’encolure toute ronde et « cassée », effectuer des figures de haute école. Mais le but n’a jamais été le spectacle. Classiquement, un cavalier de dressage était considéré un maître parce qu’il faisait évoluer ses chevaux d’une telle façon qu’ils concouraient plus longtemps, qu’ils vivaient plus longtemps et qu’ils restaient en parfaite santé plus longtemps.
En 2016, nous avons mis à la retraite un des plus beaux chevaux de tout les temps alors qu’il n’avait que 12 ans, après plusieurs années de blessures consécutives. Pendant ce temps là, Silvia Loch montre son beau Praser de 20 ans qui est en bien meilleure santé que Totillas à 8 ans, quand il était au pic de sa carrière. Et pourtant… les règles de la FEI et les grilles de notation des juges sont faites à partir de l’Echelle de Progression. Enfin…
J’espère que cet article vous a plu et qu’il n’était pas trop long! C’est un sujet très riche où on aborde beaucoup de choses... Alors forcément... Merci pour votre patience et à bientôt pour de nouvelles explications!